Stades de légende : Te souviens-tu... Vicente-Calderon ?

CURTO DE LA TORRE/Getty Images
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Dans quelques années, l'AC Milan et l'Inter Milan détruiront leur historique stade Giuseppe-Meazza pour intégrer une arène flambant neuve, toujours sur le quartier de San Siro. Abandonner son enceinte, c'est un moment clé puisqu'un pan entier de son histoire est laissé derrière. Et de nombreux clubs par le passé ont fait ce choix, dans l'Europe toute entière. Après Highbury, plongeons aujourd'hui dans les souvenirs... de l'Atlético de Madrid et de son mythique Vicente-Calderon !


Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana, lors de la Coupe du Monde en 1982. Michael Jackson, les Rolling Stones, Madonna, pour des concerts dans les années 90. Diego Forlan, Fernando Torres, Antoine Griezmann, lors des décennies 2000 et 2010. Tant de stars accueillies par le peuple madrilène durant les 52 ans d'existence du Vicente-Calderon.

Premier match : 2 octobre 1966, Atlético Madrid vs Valence CF

Au milieu des années 70, ce stade était le seul en Espagne à présenter 50 000 places uniquement assises. Son standing était reconnu dans tout le pays. En 1976, il a ainsi été choisi par son Altesse Sérénissime Juan Carlos Ier, comme premier lieu pour officier en qualité de Roi d'Espagne sur un événement sportif.

Cet écrin est l'œuvre de deux hommes. Javier Barroso, président de l'Atlético de Madrid de 1955 à 1964. Cet architecte de métier a racheté, en 1959, une parcelle de terre sur les bords du fleuve Manzanares, puis démarré des travaux que Vicente Calderon, son successeur, a bouclé avant d'entamer des extensions quelques années plus tard.

L'avancement des travaux en 1964
L'avancement des travaux en 1964 / Wikicommons

Le 2 octobre 1966, la première rencontre est jouée dans cette enceinte. Un affrontement de Liga, contre le Valence CF, soldé par un match nul (1-1). L'arène portait alors le nom de Stade Manzanares. Ce n'est qu'en 1971 que le club a décidé de changer pour Stade Vicente-Calderon, en hommage à son ambitieux président qui restera 21 ans à son poste au total, au cours de deux mandats.

Le Président Vicente Calderon, en 1970.
Le Président Vicente Calderon, en 1970. / Wikicommons

Particularité assez incroyable, l'autoroute M-30 passe... sous la tribune ouest du Vicente-Calderon ! Le stade n'est ainsi pas complètement fermé, afin de respecter les normes de sécurité nécessaires pour faire cohabiter l'édifice avec cette partie du périphérique autour de Madrid.

La version finale du Stade Vicente-Calderon.
La version finale du Stade Vicente-Calderon. / Getty Images

Évènement marquant : Une "remontada" avant l'heure

Le cadre autour de l'enceinte reste néanmoins superbe. Les étoiles se sont alignées plus d'une fois au-dessus du Vicente-Calderon, comme à la mi-temps de cette rencontre de Liga le 30 octobre 1993. L'Atlético de Madrid recevait l'immense FC Barcelone du début des années 90. Johan Cruyff, entraîneur à l'époque, avait aligné Ronald Koeman, Pep Guardiola, Michael Laudrup ou encore Romario.

Michael Laudrup sous les couleurs blaugrana.
Michael Laudrup sous les couleurs blaugrana. / Shaun Botterill/Getty Images

Le meneur de jeu brésilien s'est d'ailleurs particulièrement baladé en première période, claquant un triplé en 20 minutes (14e, 24e, 34e). Le moral des Colchoneros, déjà en berne avant ce match face à un Barça sortant tout juste d'un quadruplé historique (Liga, Supercoupe d'Espagne, C1, Supercoupe d'Europe), était au plus bas à la pause. Du moins, c'est ce que n'importe quelle équipe aurait vécu.

La fabuleuse grinta inscrite dans les gênes de "l'Atléti" a, en effet, livré tout son potentiel en seconde mi-temps. Deux minutes après le retour sur la pelouse, Roman Kosecki a réduit une première fois l'écart (47e). Pedro Gonzalez (55e) s'est ensuite illustré, avant que Kosecki se soit offert un doublé (73e) pour ramener les siens à égalité !

Amorphes, les Catalans sont alors bousculés comme jamais dans les duels. Romario en a perdu son sang froid, expulsant sa frustration via un vilain coup de pied à l'encontre de Juanma Lopez (81e). L'expulsion du madrilène Pirri Mori (83e) n'a pas inversé le momentum. Sur une ultime attaque rapide, ressemblant exactement à celle conclue par Emmanuel Petit en 1998, José-Luis Caminero a trompé Andoni Zubizarreta (89e) et fait exploser le Vicente-Calderon !

Le FC Barcelone a fini champion cette année-là, tandis que l'Atlético a pris la 12e place du classement en Liga. Mais une "remontada", ça reste gravée à jamais dans les esprits...

Dernier match : 27 mai 2017, FC Barcelone vs Alavès

L'ultime spectacle joué sur la pelouse du Vicente-Calderon n'a lui pas été à la hauteur de l'événement. Désigné pour accueillir la finale de Coupe du Roi 2017, le stade a en effet vu le Barça dérouler contre une équipe surprise du Deportivo Alavès.

Lionel Messi était intenable en première période et en trois accélérations, il a marqué, puis offert sur un plateau deux buts, pour sceller le score final dès les arrêts de jeu de la première période (3-1).

Six jours plus tôt, l'Atlético de Madrid a tout de même pu offrir un dernier succès à ses socios, face à l'Athletic Bilbao (3-1). Fernando Torres s'est offert un doublé. Et l'enfant chéri de tout un peuple a eu du mal à contenir ses émotions lors de la traditionnelle, mais pour une fois exceptionnelle, interview d'après-match :

""C'est difficile d'exprimer les sentiments qu'on peut éprouver un jour comme aujourd'hui. Cela a été très émouvant tout au long du match, les supporters nous ont rappelé beaucoup des moments que nous avons vécus ici depuis que nous avons commencé à venir au Calderón lorsque nous étions enfants. Ce sont beaucoup de souvenirs, beaucoup de choses qui passent par la tête. Cette victoire honore l'esprit de l'Atlético. (...) Nous avons été pleinement heureux pendant cinquante ans ici, même si, par moments, un peu moins.""

Fernando Torres

C'est Angel Correa qui a été le dernier homme, maillot rojiblanco sur le dos, à faire trembler les filets de l'enceinte, étrangement revendue à la ville...

Qu'est devenu le Stade Vicente-Calderon ? Une tribune désossée, en attendant des immeubles et un parc...

À cause de la forte circulation souterraine, entraînant pollution et humidité, la tribune ouest était de moins en moins stable avec le temps. C'est via cette "excuse" qu'un accord est trouvé entre l'Atlético et la ville de Madrid en 2013 pour une revente du stade, mais aussi de l'entreprise Mahou historiquement liée au club et positionnée à quelques encablures.

Au total, ce sont près de 200 000 mètres carrés qui sont en partie acquis par la Capitale, en partie mis aux enchères pour des sociétés privés. Si l'opération n'a rapporté un bénéfice net que de 3,91 millions d'euros aux Colchoneros (selon les comptes publiés en 2019-2020), ce sont plus de 180 millions d'euros qui sont échangés dans ces transactions, uniquement pour l'achat des différentes parcelles.

Deux associations "syndicalistes" du club, Plataforma Salvemos el Calderón et Señales de Humo, ont engagé plusieurs actions et pétitions pour faire la lumière sur cette désavouée opération. Mais le 20 mars 2019, un premier coup de pelleteuse est bien donné pour entamer le processus de démolition du Vicente-Calderon.

Mi-novembre, seule une tribune ouest désossée tient encore debout. Les 25 000 sièges qui composaient ce mythique mur ont pu être récupéré par les socios qui occupaient ces places. La M-30 est aujourd'hui déviée devant les gradins afin de libérer le chantier. Et dans les prochains mois, les bords de la Manzanares seront complètement chamboulés, avec près de 2000 appartements et un immense parc qui s'implantera.

Les restes du Vicente Calderon, mars 2020
Les restes du Vicente Calderon, mars 2020 / Juan Naharro Gimenez/Getty Images

L'Atlético Madrid a investi le flambant neuf Wanda Metropolitano. Ce nom était déjà celui de l'enceinte des Colchoneros de 1923 à 1966. Vicente-Calderon n'était donc qu'une parenthèse, immense et mythique, mais close et démolie, aujourd'hui.