Interview - L'OM, les Bleus, Arsenal... Robert Pirès raconte sa triomphante odyssée

Robert Pirès, légende d'Arsenal. Le champion du monde français est aujourd'hui consultant Canal + et pour le groupe M6.
Robert Pirès, légende d'Arsenal. Le champion du monde français est aujourd'hui consultant Canal + et pour le groupe M6. / ODD ANDERSEN/Getty Images
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Une légende du football français et du club d'Arsenal. En exclusivité pour 90min, Robert Pirès s'est confié et a retracé les moments importants de sa carrière. Désormais consultant pour le groupe Canal + et pour la chaîne M6 où il commente les matchs de l'Équipe de France, le champion du monde français est aussi revenu sur l'actualité du football européen.


Que représente le football pour toi ?

Depuis mes 7 ans, j'ai cette passion en moi. Certainement grâce à mon père. C'est lui qui m'a dirigé sur cette voie-là, mais sans penser à ce qu'un jour je devienne footballeur professionnel. Pour moi, le football, c'est avant tout une passion.

Tu fais tes débuts en pro à Reims, mais tu y joues très peu. C’est au FC Metz que tu vas enchaîner les matchs. Que signifie ce club à tes yeux ?

En vrai, si je n'ai pas réussi au Stade de Reims, c'est parce que malheureusement, le club en 1992 a connu un dépôt de bilan. À ce moment-là, j'étais au centre de formation, je jouais avec la réserve et de temps en temps, je m'entraînais avec les pros.

Mais, je n'avais jamais fait d'apparition. Pour réussir, il fallait partir et j'ai eu la chance d'atterrir à Metz. C'est là que tout a commencé. On m'a fait confiance, on m'a fait jouer même si je n'avais que 19 ans.

"Pour moi, ça a été une belle surprise d'être dans la liste d'Aimé Jacquet."

Robert Pirès

Tu brilles sous le maillot messin lors de la saison 97-98 (13 buts et 7 passes décisives). Une année réussie qui te permet d’être appelé pour la Coupe du monde 98. As-tu été surpris de faire partie des 22 sélectionnés ?

Honnêtement oui. En France, il y a un réservoir énorme de très bons joueurs, très techniques et physiques. Pour moi, ça a été une belle surprise d'être dans la liste d'Aimé Jacquet. Je pense que mon style et ma façon de jouer lui ont plu.

C'est sûrement pour ça qu'il m'a pris. Mais, oui, j'ai été surpris d'être dans la liste finale. Il y avait vraiment du beau monde entre 1996 et 2000. C'était très dur d'accéder à l'Équipe de France. Il fallait être persévérant, sérieux et travailleur.

Robert Pirès a été champion du monde 1998 et d'Europe 2000.
Robert Pirès a été champion du monde 1998 et d'Europe 2000. / Getty Images

On connaît la suite. Tu es champion du monde, mais tu n'as pas eu beaucoup de temps de jeu pendant la compétition. Comment as-tu vécu cette aventure ?

En réalité, dès le départ Aimé Jacquet a annoncé a tout le monde qu'une équipe se dégageait, qu'il y avait une hiérarchie à respecter. En revanche, il nous a dit qu'à tout moment on devait être prêt pour aider l'équipe. J'ai pris mon rôle de remplaçant à cœur. On parle quand même de l'Équipe de France. Nous étions tous là pour la même chose : être champion du monde.

Je l'ai vraiment bien pris et je peux te dire que j'ai beaucoup appris surtout auprès des anciens. Je pense que j'ai grandi comme ça. Honnêtement, ça m'a fait du bien. Même si je n'ai pas beaucoup joué comme tu l'as dit, mais le fait d'être avec eux pendant deux mois m'a beaucoup servi.

Tu es quand même décisif pendant cette coupe du monde face au Paraguay en huitièmes de finale...

(rire) Comme je t'ai dit, je savais dès le départ que j'étais remplaçant et qu'il y avait par exemple un Christophe Dugarry qui était devant moi. J'ai eu un peu de temps de jeu face au Paraguay. On va dire que j'ai été décisif, car j'ai transmis ce ballon sur la tête de David (Trezeguet) qui remise pour Laurent Blanc qui marque après. Ça nous permet de continuer l'aventure et d'accéder au prochain tour. C'était aussi mon rôle d'être décisif même si je n'avais pas beaucoup de minutes.

Pour toi, y-a-t-il un joueur qui a été au-dessus du lot ?

(il réfléchit) C'est une très bonne question. Honnêtement, il n'y a pas vraiment un joueur qui est sorti du lot. Mais je pense, que l'ossature défensive a fait la différence en 98. Les défenseurs de notre équipe faisaient peur. Et quand, tu as des joueurs comme ça dans ton équipe, il ne peut pas t'arriver grand chose. Donc, je dirais que c'est le noyau défensif qui a fait la différence.

"Youri Djorkaeff était un joueur fabuleux."

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Youri Djorkaeff passeur décisif sur le deuxième but de Zinedine Zidane face au Brésil
Youri Djorkaeff passeur décisif sur le deuxième but de Zinedine Zidane face au Brésil / GABRIEL BOUYS/Getty Images

Sans parler de la finale, est-ce-qu'il y a un joueur qui t'a impressionné pendant le tournoi ?

Youri Djorkaeff ! En réalité, Youri n'a pas de chance (rire). Il est dans l'ombre de Zizou. Sinon, je te confirme que j'ai appris au quotidien avec lui. C'était un joueur fabuleux. Techniquement très fort, et très adroit devant le but. Il nous a apporté cette touche technique dont l'équipe avait besoin. Il a été très bon sur la Coupe du monde 98.

Robert Pirès a porté la tunique phocéenne pendant deux ans.
Robert Pirès a porté la tunique phocéenne pendant deux ans. / GERARD JULIEN/Getty Images

Cette victoire au mondial, a été un premier tournant dans ta carrière. Tu signes à l'OM dans la foulée. Comment se sont passées ces deux saisons sous la tunique phocéenne ?

Personnellement, ça a été. Je me souviens, à l'époque où je signe à l'OM, le président de Metz me dit "fais attention, tu ne sais pas où tu mets les pieds (rire)". Mais disons, que ça a été un très bon choix d'aller là-bas. Parce que Marseille est et restera un club fort du championnat français. J'ai pris des gifles (rire) parce qu'a l'OM, c'est dur quand ça ne marche pas. Mais ça m'a fait grandir.

Un peu comme ce qui se passe en ce moment. Ce que les Marseillais vivent actuellement, je l'ai vécu en 1999. Ce n'est pas facile, mais c'est comme ça qu'on apprend et qu'on se forge un caractère.

"Quand je vois que je vais rentrer, je me dis que ça ne sert à rien et que je ne vais rien apporter."

Robert Pirès

À l’été 2000, tu es appelé pour disputer l’Euro. Cette fois-ci tu n'es pas surpris...

(rire) Pour être honnête avec toi non. Je n'étais pas surpris, car sur les deux années avec l'OM cela s'était bien passé pour moi sur le plan personnel. Puis, j'avais aussi la confiance de Roger Lemerre qui était l'adjoint d'Aimé Jacquet en 1998. Il connaissait bien le groupe, même s'il a changé quelques joueurs.

Comme en 98, tu ne joues pas beaucoup. Mais on retient ta chevauchée en finale face à l'Italie. Quels sont tes souvenirs de cette rencontre et le ressenti que tu avais quand tu entres en jeu ?

Je ne sais pas si tu vas me croire, mais quand je vois que je vais rentrer, je me dis que ça ne sert à rien et que je ne vais rien apporter. Je me dis que c'est la finale, on perd 1-0 et en face c'est l'Italie. Et généralement face à eux à 1-0 c'est fini. Mais après ça, je ne sais pas ce qu'il s'est passé. J'ai envie de te dire que c'est la magie du football. Les trois changements de Roger Lemerre ont été décisifs.

Penses-tu que l'équipe de 2000 est supérieure à celle de 98 ?

Oui ! La différence avec 98, c'est qu'on avait tous grandi. Des liens se sont créés sur le terrain et en dehors. C'est pour ça que je pense que l'équipe de 2000 est plus solide et plus forte techniquement. C'était du très haut niveau.

"Avec Arsène Wenger, je savais que j'allais jouer et pour moi c'était le plus important."

R.P
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Juillet 2000, un nouveau départ pour toi. L’Angleterre et Arsenal. Comment s’est fait le contact avec Arsène Wenger et pourquoi les Gunners ?

Arsène me voulait déjà à l'époque où je jouais au FC Metz lorsqu'il était entraîneur de l'AS Monaco. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'à ce moment-là, j'avais le choix entre le Real Madrid, la Juventus et Arsenal. Mais Arsène m'a convaincu. Avec lui, je savais que j'allais jouer et pour moi, c'était le plus important.

Comment tu as vécu ce passage de la Ligue 1 à la Premier League ?

Ça été très dur. J'ai dû mettre 6-7 mois pour m'adapter à la Premier League. Le championnat est rythmé, il n'y a pas de temps morts et c'est très physique.

Six saisons dans le Nord de Londres. Quelle est ta meilleure saison sur le plan individuel et collectif ?

(il réfléchit) Je dirais la saison 2001-2002. L'année où je me blesse - rupture des ligaments croisés du genou. Mais c'est vrai qu'à ce moment-là, je ne sais pas pourquoi, mais tout ce que je faisais ça marchait.

Sur le plan collectif, c'est la saison des Invincibles. De un, parce qu'on a gagné le championnat et parce qu'il y a aussi eu un sans-faute de notre part. Ce qu'on a fait à cette époque, c'est vraiment fort. Personne ne l'a fait aujourd'hui même si je pense qu'une équipe battra ce record un jour.

Quelle était la plus grande force de ce groupe  ?

Techniquement, on était au-dessus des autres. Mentalement aussi, parce qu'on avait des Anglais dans l'effectif. Eux, c'était les guerriers et les étrangers les techniciens (rire).

"Thierry Henry fait partie des meilleurs attaquants que le football ait connu."

Robert Pirès
Thierry Henry et Robert Pirès ont évolué ensemble pendant plusieurs saisons.
Thierry Henry et Robert Pirès ont évolué ensemble pendant plusieurs saisons. /

Quel est le coéquipier qui t'as le plus impressionné ? Et l’adversaire ?

Celui qui a été très fort, c'est Thierry Henry. Je l'appelais "l'avion de chasse". Il allait trop vite, on ne pouvait pas le suivre (rire). Quand on partait en contre-attaque, c'était une fusée, un truc de fou. J'ai eu la chance de jouer avec lui pendant des années que ce soit à Arsenal ou en sélection. Pour moi, il fait partie des meilleurs attaquants que le football ait connu. Titi était très fort.

J'ai aussi appris avec Dennis Bergkamp sur le plan technique. Un des plus forts de l'effectif dans ce domaine. J'avais vraiment de la chance en club, j'avais Dennis et en sélection Zidane. La régalade tout le temps (rire).

Parmi, les adversaires, je dirais que Gary Neville m'a beaucoup embêté. Lui, il ne voulait pas jouer. Il voulait juste me déstabiliser en me mettant des coups ou en m'insultant. Je tombais souvent dans le piège.

Robert Pirès finaliste de la Champions League en 2006 face au FC Barcelone
Robert Pirès finaliste de la Champions League en 2006 face au FC Barcelone / Alex Livesey/Getty Images

En 2006, Arsenal se retrouve en finale de Ligue des Champions. Finale perdue et tu cèdes ta place prématurément à cause d’un carton rouge. Est-ce-que c'est l'un de tes plus mauvais souvenirs dans ta carrière ?

Oui. Enfin, j'ai deux mauvais souvenirs. Celui-ci, il a été dur à avaler. Que je sorte en début de match, ce n'est pas grave ça fait partie du jeu. Le coach devait faire un choix. Mais c'est plus parce qu'on a perdu cette finale. La C1 est une compétition difficile.

Et l'autre, c'est de ne pas avoir été champion de France en 1998 avec Metz. J'aurais aimé avoir ce titre dans mon palmarès.

Tu termines ta carrière en 2016 en Inde. Aujourd'hui, tu es consultant sur Canal + et M6. Comment se passe cette nouvelle vie ?

J'ai commencé sur beIN SPORTS. Aujourd'hui, j'ai la chance d'avoir un contrat avec CANAL + pour la Premier League et avec M6 pour l'Équipe de France et je me régale. Je continue de suivre les matchs et surtout à me déplacer pour l'Équipe de France.

"Je suis persuadé qu'Arsenal va retrouver des couleurs."

R.P

Que penses-tu de la situation d'Arsenal aujourd’hui qui pointe à la 10e place du classement ?

Le club est en transition. L'empreinte d'Arsène Wenger est toujours là. Il faut s'en détacher. Cette situation est similaire à ce qu'a vécu Manchester United avec Sir Alex Ferguson. Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux pour eux.

Je suis persuadé qu'Arsenal va retrouver des couleurs. Il y a de la qualité dans l'effectif et je crois beaucoup en Mikel Arteta.

Quel était ton regard sur le traitement subi par Mesut Ôzil qui a récemment été transféré à Fenerbahce ?

Vu de l'extérieur, c'est incompréhensible. Il y a eu une discussion entre Mikel Arteta et Mesut Ôzil. Ce qu'il faut savoir, c'est que Mesut Ôzil a accepté la décision d'Arteta. Il n'a rien dit. Il a continué de se présenter au centre d'entraînement tous les matins. Il savait qu'il n'allait pas jouer, mais il ne s'est jamais plaint. Au niveau du professionnalisme, il n'y a rien à dire.

Après, ce sont les choix de l'entraîneur. Comme on dit en Angleterre, le coach, c'est le boss. Une fois qu'il a pris une décision, il faut l'accepter.

Pour toi, qui va finir champion d'Angleterre cette saison ?

Bon, c'est sûr que cela ne sera pas pour Arsenal cette année (rire). Mais un club comme Manchester United ça serait bien. C'est un club ambitieux, avec une grande histoire.