Humeur : Un Brésil encore à l'heure de l'apprentissage

Marquinhos, bourreau des siens lors de la séance de tirs au but
Marquinhos, bourreau des siens lors de la séance de tirs au but / Visionhaus/GettyImages
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Alors que le bal des quarts de finale ne fait que débuter, la Croatie a déjà créé l'une des plus grandes sensations d'une Coupe du monde qui ne manque pas de surprises ni de résultats hors du commun, au grand dam d'un Brésil qui aura encore failli à sa tâche. Billet d'humeur.

Plus que jamais, le football est un sport où le meilleur ne gagne pas toujours.

Le ballon rond est fait de dramaturgie, de joies et de larmes, de scenario improbable comme renversant. Le sport roi forme un doux mélange d'émotions et de figures de style, presqu'empruntées à Edmond Rostand. Le football pourrait très bien se décliner en épisodes d'une série dramatique, où le héros n'est pas souvent roi. Au casting, on y retrouverait de nombreux personnages aux rôles bien définis.

Du gardien, Allison, héroïque jusqu'alors, au capitaine historique, Thiago Silva, toujours présent dans les grands rendez-vous. Sans oublier le buteur de sang-froid, Richarlison, capable de hausser son niveau de jeu en sélection plus que nulle part ailleurs en Premier League, ni la pépite, Vinicius Junior, capable d'endiabler le rythme d'un match, au rythme de ses accélérations.

Des pépites sans étincelle

Mais la terrible machine, promise à un destin glorieux aura fini par s'enrayer. Un portier impuissant sur une séance de tirs au but. Un capitaine assistant aux premières loges au chavirement de son navire sur le seul tir cadré subi. Et un buteur resté invisible et muet pendant une large majorité de la rencontre, avant de sortir dans l'anonymat en fin de temps réglementaire.

Sans oublier les promesses, Vinicius Junior, Antony et Rodrygo, sans la moindre étincelle. C'est d'ailleurs le dernier cité qui aura précipité la chute des siens, en manquant le premier tir au but.

Un Marquinhos marqué par les remontadas successives

Vient alors l'éternel maudit, incarné par le malheureux Marquinhos, qui dévie la frappe de Petkovic dans son propre but (117e), s'écrasant le nez dans le gazon et frappant le sol des deux bras, comme le terrible goût d'une affaire qui se répète... Avant de devenir le bourreau de son équipe, le temps d'une séance de tirs au but, où sa frappe est venue s'écraser sur le poteau.

Un destin funeste qui se répète tant en club qu'en sélection. Le défenseur du Paris Saint-Germain est à jamais associé à la "remontada" du FC Barcelone (6-1), comme à celle du Real Madrid (3-1) en mars dernier.

Quel rôle reste-t-il alors pour Neymar, idole de tout un pays, devenu controversé, revenu en héros, avant de sortir, là encore, avec la cape du damné ? Même l'année où toutes les planètes s'étaient alignées, l'épargnant en pleine Coupe du monde d'une longue absence sur blessure, le Ney n'a pas survécu avec les siens dans un nouveau naufrage. Une déroute qui semble frapper tous les quatre ans depuis une vingtaine d'années, toujours plus douloureuse depuis le Mondial 2014.

Celui qui devait être le héros, égalant le record de buts en sélection de la légende Pelé, n'a pas osé changer l'ordre établi aux tirs au but, se cantonnant à son rôle de cinquième tireur dans une séance vouée à mal finir. Comme un pied de nez, Lionel Messi se chargeait du premier tir au but face aux Pays-Bas (2-2, 4-3 après t.a.b).

En ne forçant pas le destin du Brésil, Neymar a, bien involontairement, laissé la terrible besogne à son coéquipier en club comme en sélection. Celui qui évoquait sa lassitude mentale de jouer au football il y a quelques mois pourrait en payer le prix fort sur le plan psychologique.

Des Brésiliens trop sûrs de leur force

A ce nouveau drame, la Seleçao devra forcément trouver des remèdes. Un nouveau sélectionneur ? L'annonce a déjà été faite par Tite lui-même. L'avénement d'une nouvelle génération toujours aussi talentueuse ? Cela semble évident. Une mentalité nouvelle ? La question se pose désormais.

Car si le Brésil a encore trébuché, il le doit sans doute à une philosophie du jeu qui manque parfois de pragmatisme, d'une finition clinique et d'une véritable gestion des émotions. Le ciel est tombé sur la tête de Brésiliens sans doute trop sûrs de leur force vendredi à Al Rayyan (Qatar).

Un Brésil qui dansait à mesure que les buts s'empilaient en huitièmes de finale face à une faible Corée du Sud et pris à son propre piège face au technique et redoutable d'efficacité milieu croate, plein d'expérience. 21 frappes au but, 11 tirs cadrés pour un seul but. C'est le bilan offensif d'un Brésil qui aurait certainement dû s'imposer face à la Croatie, mais qui aura cédé sur la seule tentative cadrée du finaliste malheureux du Mondial 2018.

Se recentrer sur l'essentiel pour le Brésil

Ce Brésil, habitué de poésie footballistique, de gestes aussi géniaux que le 77ème but de Neymar en sélection et de victoires avec la manière, manque bien souvent de cette faculté à se salir les mains. Cette façon de gagner parfois sans briller, comme peut le faire si souvent son voisin argentin, demi-finaliste, lui, de ce Mondial. Une fois encore, cela lui aura fait défaut.

"Je ne joue pas contre une équipe en particulier. Je joue pour me battre contre l'idée de perdre", a dit Eric Cantona. A se découvrir en fin de rencontre, le Brésil en a oublié l'essentiel : assurer sa qualification. Reste désormais à savoir s'il apprendra enfin de ses erreurs passées.

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