Bordeaux : Le fatalisme des supporters girondins, témoins impuissants d'un club à la dérive

Les supporters girondins manifestent contre la direction.
Les supporters girondins manifestent contre la direction. / MEHDI FEDOUACH/Getty Images
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Un monument du football français sur le point de s'écrouler. Jeudi soir, les Girondins de Bordeaux, via un communiqué cinglant, ont annoncé le départ de son actionnaire américain King Street. Plongée dans une crise sportive et économique sans précédent, l'institution girondine peut s'attendre au pire. Du coté des supporters, l'heure est au désarroi. Reportage.


"Ça ne m'atteint même plus... c'est ça qui est terrible". À l'image de celui qui se fait appeler The Marine Arrow sur Twitter, même les plus fidèles supporters ont cédé au fatalisme.

"Depuis un an, le Covid et l'ambiance aux Girondins ont fait que je me suis beaucoup détaché émotionnellement des résultats, concède-t-il. J'ai loupé certains matchs alors que je ne me le permettais pas il y a 2-3 ans. J'ai 24 ans, ma conscience de "supporter" des Girondins commence à partir des saisons qui précèdent le titre de 2009 et depuis ce temps-là, le club ne cesse de régresser."

D'autres ont accueilli la nouvelle avec plus d'émotions :

"Je me suis assis, puis je suis allé marché autour de chez moi, la boule au ventre, les larmes aux yeux, les Girondins c'est toute ma vie."

Snakill

Un timing choc, pas une surprise

La crise -accentuée par la Covid-19- que connaît actuellement les Girondins de Bordeaux a atteint son climax jeudi soir, à travers un communiqué officialisant le départ de l'actionnaire américain King Street.

"Surpris par le timing plus que par l’annonce en elle-même, témoigne @Giggs_, le twittos aux plus de 60.000 abonnés. Ce rachat était une catastrophe programmée depuis le début. King Street a été dupé par GACP, comme beaucoup de monde, et il était évident que ce fonds d’investissement n’allait pas s’inscrire dans la durée à Bordeaux.

"GACP étaient des escrocs, King Street des vautours et Frédéric Longuépée une odieuse marionnette à leur botte."

@Giggs_

Cela fait de longs mois que plus rien ne tourne rond dans ce club. Ce qu’il se passe aujourd’hui l’illustre à merveille, poursuit le célèbre twittos. Pour ma part, je m’attendais à un tel scénario funeste lors du rachat donc je me suis forcé à prendre de la distance pour ne pas souffrir de la situation plus que de raison. Il faut croire que j’ai bien fait puisque tout s’est passé comme prévu, bien malgré moi."

"C'est un attentat contre le club. "

Snakill

Dans un contexte économique cataclysmique, le président Frédéric Longuépée a dû placer le club sous la protection du Tribunal du Commerce.

"C’est un vieux serpent de mer, argue Matthieu, alias @MattFCGB. Je déplore surtout la manière, avec un timing qui n’aurait pu être plus désastreux, alors que le club n'a gagné qu'un match (1-3 contre Dijon le 14 mars dernier, ndlr) sur ses 12 derniers et est en pleine lutte pour le maintien. En plein marasme, ils veulent nous abattre."

"Ma réaction est un mélange de dégoût et d'indifférence", résume, fataliste, @themarinearrow.

Longuépée dans l'œil du cyclone

Ennemi numéro 1 des supporters girondins, ce nouvel évènement est venu un peu plus ternir l'image du président girondin, en poste depuis 2018.

"Longuépée est le pire président de l'histoire des Girondins, affirme sans détour le youtubeur Snakill. Un président imbu de sa personne, qui a réussi à se faire détester par tous les Bordelais en moins de deux saisons... Joueurs, salariés, supporters, journalistes, tous le monde le déteste ! Sa gestion, sa com, et son idéologie ne sont pas compatibles avec ce que doit être le FCGB."

"Il n'a clairement pas la carrure d'un président de club. Il est maladroit, souvent arrogant. "

@themarinearrow

"Depuis le rachat par GACP/KS, au-delà de la morosité sportive, s’est installé un climat délétère qui a plongé encore davantage le club dans ses travers, déplore @Giggs_. Les symboles ont été dénaturés, le sportif a été relégué encore plus loin qu’au second plan et la relation entre la direction et les supporters s’est sensiblement dégradée au point d’atteindre un niveau de défiance historique."

"Il n'a clairement pas la carrure d'un président de club. Il est maladroit, souvent arrogant, fustige @themarinearrow. Mais il y a une chose qu'il faut rappeler, c'est qu'il a postulé à un poste qu'il a obtenu. C'est le représentant de King street mais il ne fait pas partie de King street. Il a catalysé les critiques, pris tous les coups, c'est lui qui représente le fiasco, mais à mon sens il a une responsabilité très minime dans tout ce merdier", remet-il en perspective.

La menace d'une relégation, voire d'une rétrogradation

En pleine lutte pour sauver sa place dans l'élite du football français, cette nouvelle déconvenue pourrait plonger le club dans des abysses encore jamais atteints.

"Le club est en péril. Il paye sa mauvaise gestion depuis des années et le point de rupture a été atteint, avant peut-être le point de non-retour", s'inquiète @Giggs_ sous-entendant une possible perte du statut professionnel.

"Bordeaux est un tel monument du foot français que je me force à croire qu'une solution sera trouvée afin d'éviter cette tragédie !"

Mister Snakill

"Certes, Bordeaux est un club historique, une ville importante et une marque avec du potentiel, mais cela suffira-t-il pour convaincre un repreneur viable et sauver les meubles ?", s'interroge-t-il.

"La perte du statut pro fait peur à tout le monde, admet Snakill. Mais Bordeaux est un tel monument du foot français que je me force à croire qu'une solution sera trouvée afin d'éviter cette tragédie !"

"J'imagine assez facilement qu'un repreneur soit déjà en négociations et puisse diriger le club dans les prochaines semaines, nuance @themarinearrow. On craint forcément le pire scénario mais je suis finalement assez optimiste. Même en imaginant le pire, le club ne mourra jamais et arrivera à se reconstruire. J'ai du mal à imaginer une rétrogradation en National 3."

Avant d'imaginer le pire scénario, les partenaires de Laurent Koscielny doivent déjà assurer le maintien, avec notamment un déplacement capital en Bretagne, pour affronter Lorient, dimanche (15h).

"Dans l'immédiat, je suis très inquiet pour le maintien. Le groupe ne réagit pas depuis quelques matchs et cette annonce ne va rien aider, redoute le supporter bordelais. J'espère que Roche et Gasset sauront remobiliser les joueurs. Une victoire contre Lorient devrait assurer le maintien sportif du club."

Une saison cauchemar

Le titre de champion de France en 2009 et le quart de finale de Ligue des Champions la saison suivante ne semblent qu'un lointain souvenir, terni par l'irrémédiable décadence d'un club en perdition.

"Ça fait plus de 20 ans que je supporte les Girondins et je n'ai jamais vécu une saison aussi catastrophique, témoigne @MattFCGB, fidèle supporter bordelais. La saison 2005 m'avait particulièrement marquée, où l'on s'était battu jusqu'au bout pour le maintien. C'était difficile mais rien à voir avec le marasme actuel. J'en deviens même nostalgique de l'époque Francis Gillot (2011-2014, ndlr)", admet-il.

"C'est clairement la pire saison que je vis en tant que supporter des Girondins, rejoint Snakill. Nous sommes déjà privés de stade, mais en plus on a volé et défiguré notre club, c'est un cauchemard !"

"La relation entre la direction et les supporters s’est sensiblement dégradée au point d’atteindre un niveau de défiance historique."

@Giggs_

"Globalement, depuis 2010, c’est très compliqué tant la gestion du club a été mauvaise. Chaque saison, le club coule un peu plus que la précédente. On peut véritablement parler de descente aux enfers aujourd’hui", observe amèrement @Giggs_.

"L'énergie du désespoir"

Au bord du précipice, les supporters refusent cependant d'abdiquer, encore moins d'abandonner leur écusson :

"Si Bordeaux venait à être relégué, voire rétrogradé, cela laisserait un trop grand vide dans le football français, souligne Matthieu. J'espère qu'il y aura une mobilisation populaire pour sauver notre club."

"Sur le long-terme et comme une bonne partie des supporters, j'espère que le club pourra repartir avec un actionnaire solide qui aura un projet d'un club moyen de Ligue 1, à notre échelle, avec une masse salariale raisonnable, un recrutement intelligent en France, un développement du centre de formation..., espère @themarinearrow. Après les dernières années qu'on vient de traverser, ça comblera largement nos espérances."

Le mot de la fin signé @Giggs_, illustrant à merveille l'état d'esprit des supporters girondins :

"L’espoir, on l’a perdu depuis longtemps. Alors misons sur l’énergie du désespoir pour s’en sortir, au moins sportivement dans un premier temps, avant d’espérer un repreneur viable et un nouveau cycle plus ou moins vertueux dans un second temps. Avec pourquoi pas, soyons fou, un peu de football et de compétence dans tout ça !"